Même si nous apprenons à faire du vélo très jeune, bien pédaler est plus complexe qu’il n’y paraît. Pour être à la fois efficace et économe sur de courtes ou de longues distances, la technique du pédalage requiert un minimum d’apprentissage, pour tourner rond ou pour changer de braquet au bon moment.
À première vue, rien de plus simple que de pédaler : il suffit de pousser alternativement sur les deux jambes pour faire tourner le pédalier. Pourtant, en dehors des autres gestes techniques qui permettent de bien maîtriser un vélo, un bon pédalage est d’abord essentiel non seulement pour l’efficacité, mais aussi pour l’économie. De manière à rouler plus vite et plus longtemps, ce qui élargit sérieusement le champs des possibles. Bien pédaler, c’est quoi ? Tout d’abord savoir se servir de ses muscles, et si possible tout au long du cycle de pédalage, c’est-à-dire aussi bien quand la pédale descend vers le bas que lorsqu’elle remonte. Ce n’est pas une mince affaire. Ensuite, c’est utiliser à bon escient les développements mis à votre disposition, en quelque sorte la « boîte de vitesse » du vélo pour que le moteur (vos jambes) fonctionnent au bon régime. Enfin, c’est être à l’aise avec la position dite « en danseuse », qui consiste à lever les fesses de la selle et à évoluer debout sur les pédales pour accélérer, relancer, ou simplement se détendre. Toute une gestuelle ou des réflexes qui sont naturels pour ceux qui sont cyclistes depuis longtemps, mais qui peuvent être problématiques pour ceux qui débutent sur le tard.
La position
Pour bien pédaler, il faut partir d’une bonne position en selle. Cela paraît évident, mais de là viennent souvent les nombreuses difficultés que vous pouvez rencontrer au niveau de la technique de pédalage. Il faut que la selle ne soit ni trop haute, ni trop basse, pour que la jambe soit suffisamment tendue pour développer un maximum de force, tout en laissant la cheville libre pour tourner autour de l’axe de la pédale, et sans vous déhancher. Il convient également d’être très précis au niveau du réglage des cales sous les chaussures. Des cales qui permettent non seulement d’être fixé au vélo tout en assurant une certaine sécurité en cas de chute ou d’arrêt impromptu (par simple rotation de la cheville vers l’extérieur pour décrocher le pied de la pédale), mais aussi de tirer sur les pédales dans la phase de remontée des jambes sur le cycle de pédalage. On peut y ajouter un élément essentiel : la longueur des manivelles. Généralement, on trouve des manivelles pour le pédalier de 170, 172,5 et 175 mm, voire plus petites ou plus grandes. Ces manivelles doivent être adaptées à votre taille, et donc à la longueur de vos jambes. Plus les manivelles sont longues, plus vous pouvez développer de la force à chaque coup de pédale, mais plus il peut être compliqué de les tourner, surtout à haute fréquence de pédalage. Des adaptations sont possibles, si vous êtes plus ou moins souple au niveau articulaire ou musculaire. Mais il faut souvent faire, pour commencer, avec le pédalier fourni avec le vélo.
Le cycle de pédalage
Il se compose de quatre phases principales : la phase de poussée (entre 1 et 5 heures si l’on prend comme référence une horloge), la phase de tirée (qui vient en opposition avec la phase de poussée de l’autre jambe, donc entre 7 et 11 heures) et enfin ce qu’on appelle les points morts haut et bas du pédalage, lorsqu’il faut transférer la poussée en tirée (ou l’inverse, soit entre 5 et 7 heures, et entre 11 et 1 heure). Le plus simple, c’est évidemment de pousser, tout le monde sait le faire. Mais d’une part une poussée trop énergique est très coûteuse sur le plan musculaire, car les muscles antérieurs de la jambe sont chargés en fibres rapides, efficaces mais qui se fatiguent vite, et d’autre part le poids de l’autre jambe, si elle est inerte, suffit souvent pour handicaper l’efficacité du mouvement. Tirer la pédale avec la jambe opposée en même temps que l’on pousse permet de soulager la pression tout en faisant intervenir les muscles postérieurs des jambes, plus riches en fibres lentes, donc plus économes sur le long terme. Deux éducatifs permettent de s’améliorer dans ce sens. Le premier consiste à rouler alternativement sur quelques centaines de mètres avec un seul pied accroché à la pédale. En léger faux plat montant, vous ressentirez très vite la nécessité de tirer sur la pédale, ou alors vous avancerez par à-coups. Le second consiste à bien décomposer le cycle de pédalage en deux phases : la première avec la jambe gauche qui tire en même temps que la droite pousse, la seconde en faisant l’inverse. Cela nécessite d’avoir le bassin bien fixé sur la selle (sans déhanchement), et de bien penser à tirer avec le dessus du pied dans la chaussure quand il est dans la phase du point mort bas du pédalage. Pour le passage des deux points morts, il est facilité si les cales sous les chaussures sont bien réglées longitudinalement, c’est-à-dire avec le repère à l’aplomb des os métatarsiens, ou très légèrement en arrière.
Bien choisir le développement
Les vélos sont généralement équipés aujourd’hui de 11 pignons à l’arrière et de deux plateaux à l’avant, ce qui doit permettre de disposer d’une gamme de développements pour bien rouler aussi bien sur le plat qu’en montée. Différentes combinaisons sont possibles en fonction de votre niveau, car le premier facteur limitant à l’effort c’est votre puissance. Et cette puissance, ce n’est pas de la force brute. Le bon compromis pour pédaler avec efficacité tout en laissant les fibres musculaires se relâcher entre chaque contraction, c’est aux alentours de 90 tours par minute sur le plat, et de 70 tours en montée. Il existe des cyclistes plus ou moins véloces, qui adoptent naturellement une fréquence de pédalage un peu plus ou un peu moins élevée en fonction des circonstances, mais c’est un ordre d’idée. La puissance, c’est la force appliquée sur les pédales, multipliée par la vitesse à laquelle on les tourne. Et comme nombreux sont ceux qui sont limités en termes de prise de force (par la génétique), mieux vaut entretenir une bonne fréquence de pédalage. Celle-ci passe par une bonne gestuelle comme on l’a vu plus haut, mais aussi par des entraînements ciblés où vous vous forcez à pédaler très vite avec un petit développement. Dans un premier temps, si c’est inhabituel, vous pouvez ressentir un décalage avec le système cardio-vasculaire, et donc une sensation d’essoufflement. Cependant, un cycliste correctement entraîné voit ses pulsations cardiaques augmenter en fonction de la puissance qu’il développe, mais pas en fonction d’une cadence ou d’une force développée supérieure. En revanche, trop insister sur le pédalage en force augmente les tensions musculaires, et donc limite l’expression de la puissance à long terme, à la fin d’une sortie par exemple. Pour bien pédaler, il ne faut donc pas hésiter à jouer du dérailleur fréquemment, afin de rester constamment dans la bonne fourchette de cadence selon le vent ou la topographie du terrain.
L’art de la danseuse
Pour beaucoup de novices, se mettre en danseuse est éprouvant, provoque une accélération de la fréquence cardiaque, voire des crampes ou courbatures dans le bras ou dans le haut du corps. Bref, c’est plus énergivore, alors qu’au contraire cette posture doit permettre d’être plus efficace sur un court instant, ou de se relâcher pour éviter les tensions musculaires. Ceci est dû à une mauvaise technique et à une mauvaise préparation en amont. Le corps d’un cycliste, ce n’est pas seulement des jambes entraînées, c’est aussi un buste bien gainé et des bras toniques. D’où la nécessité de pratiquer en complément du vélo des exercices de gymnastique (pilâtes, abdominaux, renforcement musculaire…) quand on débute, et de consacrer aussi un peu de temps à des entraînements spécifiques, mais pas forcément rapides. En vous exerçant par exemple à monter plusieurs côtes en danseuse, ou durant plusieurs minutes sans vous asseoir, afin de bien enregistrer la coordination nécessaire entre le bas et le haut du corps pour balancer votre vélo de gauche à droite tout en profitant du poids de votre propre corps pour appuyer sur les pédales. Conserver le bassin en suspension au dessus de la selle permet de tirer sur les pédales en même temps que vous les poussez, et seul le point mort bas du pédalage est un peu plus long qu’en position assise. Dans un premier temps, mettez un braquet légèrement plus important et adaptez votre fréquence de pédalage. Pensez aussi au réglage de l’inclinaison du cintre et des poignées de freins, pour y trouver une prise en main ferme mais confortable, avec des poignets qui doivent être alignés avec vos avant-bras. Lorsque le geste devient fluide, il n’y a pas d’élévation de la fréquence cardiaque. À la condition bien sûr que la danseuse ne soit utilisée que pour vous détendre et pédaler dans une autre position. Car si vous vous dressez sur les pédales pour accélérer, pour relancer, ou pour effacer une plus forte pente en profitant de l’explosivité supérieure des muscles antérieurs de la jambe et plus particulièrement de la cuisse, vous dépenserez évidemment plus d’énergie. Bref, bien pédaler, c’est une somme de détails et d’améliorations techniques qui vous permettront à terme de faire corps avec votre vélo et d’exprimer pleinement votre potentiel. Cela vaut le coup de s’y atteler.